Yes We Camp, pourquoi ce nom ?
Tout commence en 2013. Marseille est capitale européenne de la culture, et nous nous enthousiasmons à l’idée de créer un village-camping collectif, artistique et écologique. Nous souhaitons un nom qui soit davantage une affirmation, un cri de ralliement, plutôt qu’un nom de lieu. Obama chauffait l’espoir aux Etats-Unis, nous avons importé l’appel, avec un Camp au lien du Can.
Camper, c’est important, nous prenons la chose au sérieux. Camper, c’est habiter, c’est cohabiter avec les autres, c’est vivre au quotidien une alternance de lieux intimes, collectifs et semi-collectifs. Camper, c’est être dehors, c’est faire les choses différemment. Camper, c’est aussi la complexité trouble d’un acte qui pour certain·e·s incarne les vacances, pour d’autres une soumission à des conditions de misère.
Pourquoi des projets temporaires ?
Le temporaire est pour nous un outil. C’est parce que nos projets sont identifiés comme “temporaires” que nous avons la possibilité d’être autant inventif·ve·s. Les propriétaires et les autorités locales acceptent davantage, et nous sommes légitimes à demander différentes dérogations. Cette échéance est aussi un moteur très fort d’énergie collective : le temps court invite à se lancer dans la réalisation d’un projet, même si tout n’est pas encore écrit ! Aussi, et c’est important pour nous, cette temporalité définie permet de mettre entre parenthèse la logique de propriété : nous ne payons pas de loyer et bénéficions d’un “droit d’usage”. A nous d’adapter les investissements initiaux à la durée du projet, ce qui impose une approche sobre et low tech qui nous stimule. Le temporaire comporte aussi ses risques, liés à la question du départ et du legs. Quel est l’impact du projet sur son environnement et les populations habitantes ? Y a‑t-il des services produits par le projet et qui créeraient ensuite un manque ? Qu’est-ce qui peut rester, qu’est-ce qui peut être transmis ?
Ces projets ont-ils un impact sur le processus de gentrification ?
Lorsque nous intervenons dans des quartiers aisés, le sujet est inversé : nous réussissons à y faire habiter et venir des populations vulnérables. Le résultat est d’ailleurs très positif : la cohabitation se passe bien, l’envie de rencontre supplante la méfiance, et cette proximité directe avec le travail social ne fait pas chuter les loyers ! La question de la gentrification se pose pour nos déploiements en quartiers populaires. Ce processus repose sur des mécanismes puissants, qui nous échappent en bonne partie (la métropolisation, l’attractivité des infrastructures de transport…), ce qui n’empêche pas de vouloir maîtriser notre impact. Notre intention est de contribuer à l’émergence d’une troisième voie possible, entre ne rien faire pour ces quartiers (ce que nous dénonçons), et avoir une logique d’investissement immobilier avec plus-value financière par l’attraction de catégories sociales plus riches (ce que nous dénonçons également). Nous faisons en sorte que nos projets permettent aux riverain·e·s de prendre part, et en quelque sorte d’acquérir les codes de la dynamique urbaine en cours. L’espoir est que par ces participations, et les initiatives qu’iels pourront développer, les habitant·e·s actuel·le·s deviennent des ressources et des moteurs de l’évolution du quartier.
Comment voyez-vous la suite ?
La nature mouvante de nos projets fait que la suite est toujours très ouverte pour Yes We Camp, et qu’à échéances régulières surgissent des questions de survie, ou d’adaptation forte, pour continuer à maintenir la structure vivace, mobilisée et pertinente. Les enjeux de gestion transversale, administration et coordination de l’ensemble de nos activités constituent en soi un challenge pour les prochaines années.
Courant 2020, nous avons tenté un effort de recul et de prospective, pour dessiner un “projet associatif” à échéance 2024, qui s’articule autour de ces trois intentions :
- Augmenter le partage : le partage en interne de l’association, via des moments collectifs et des groupes de travail ; et le partage avec l’extérieur : mieux raconter notre démarche, continuer à rencontrer d’autres structures, partir en résidence chez eux, réaliser des coproductions, développer le diplôme universitaire, créer et développer des formats de coopération ou accompagnement technique, financier ou créatif d’autres projets et initiatives.
- Augmenter notre engagement : préciser nos intentions et nos capacités en relation au monde du travail social, développer les actions spontanées, coopérer davantage avec des structures plus militantes, confirmer le programme Caravanade et ses actions participatives.
- Augmenter l’ouverture : continuer l’effort de diversité des profils, dans l’association et sur nos projets, déployer un projet en milieu rural, s’essayer à de nouveaux métiers ?